Paris le 29 janvier 2025 - Avec 766 avions commerciaux livrés en 2024 contre 348 appareils pour Boeing, Airbus a confirmé sa place de numéro 1 mondial de constructeur aéronautique civil.
Cette performance permet au constructeur européen de maintenir une position dominante sur le marché, avec une part de marché estimée à environ 58% pour les avions moyen et long-courrier en 2024.
Boeing, qui a perdu plus de 20 milliards de dollars depuis 2019 suite aux deux accidents mortels du 737 MAX qui ont révélés les dysfonctionnements graves de l’entreprise et terni durablement sa réputation, cherche à se relever et à rattraper son retard. Il faudra cependant encore du temps pour que le constructeur américain se relève de ses difficultés et l’année 2025 s’annonce décisive.

Comment en est-on arrivé la ?
Historiquement dominant sur le marché américain, Boeing a longtemps été le leader de l'aviation commerciale avant de se faire progressivement dépasser par le constructeur européen qui a connu une croissance significative depuis sa création remettant progressivement en cause la domination de Boeing, notamment en Europe et en Asie mais également auprès de certaines compagnies américaines. La qualité de l’offre d’Airbus avec les populaires Airbus A320neo, l’A321XLR et l’A350 n’explique cependant pas en totalité l’écart qui s’est creusé entre les deux principaux avionneurs mondiaux.
Deux accidents mortels en 2018 et 2019 ont conduit à l'immobilisation mondiale du 737 MAX pendant 20 mois en raison de problèmes avec le système d'augmentation des caractéristiques de manœuvre (MCAS). Après de nombreuses refontes et un examen réglementaire minutieux, l'avion a été autorisé à être remis en service en novembre 2020.
L’attitude des dirigeants de l’époque niant tout problème sur l’appareil et tentant de rejeter la faute sur les compagnies a largement contribué à ternir durablement l’image du constructeur.
En janvier 2024, un bouchon de porte s'est détaché d'un 737 MAX 9 d'Alaska Airlines en plein vol, provoquant l'immobilisation immédiate des appareils similaires pour inspection et jetant le doute sur le savoir faire de Boeing. Des enquêtes ultérieures ont révélé des boulons manquants, ce qui a conduit à un examen plus approfondi et à une enquête criminelle de la part du ministère de la Justice
Plusieurs défauts de fabrication ont également été découverts sur le 737MAX dont des trous mal percés, des raccords mal installés et des problèmes électriques, autant de problèmes entrainant des inspections supplémentaires et des retards de livraison.
Le Boeing 787, son avion long-courrier, n’a pas été épargné et a été confronté à plusieurs problèmes importants liés à sa conception, sa fabrication et ses opérations. Fixations mal installées, jonctions de fuselage et conformité des inspections ainsi que des problèmes de batterie ont entrainé, comme pour le 737 MAX, des retards dans la livraison des appareils.

Le Boeing 777X, le successeur du 777 sur lequel Boeing mise beaucoup pour remonter la pente a également rencontré de nombreux problèmes lors des phases de développement et de test qui ont retardé sa certification et sa mise en service. Les premières livraisons sont attendues pour 2026 soit 6 ans après la date annoncée.
Que fait Boeing pour relever les nombreux défis auquel il fait face ?
La restructuration de Boeing a été marquée par plusieurs événements et décisions stratégiques ces dernières années, en réponse à de de graves crises financières et opérationnelles.
De nombreux changements ont ainsi été opérés dans l’objectif de revenir à une situation plus saine, répondre aux exigences de la FAA qui a placé la compagnie sous surveillance étroite, et regagner la confiance des compagnies clientes, des investisseurs, du régulateur et du grand public.
En mars 2024, Boeing a annoncé d'importants changements à la tête de l'entreprise, avec la démission du directeur général Dave Calhoun à la fin de l'année 2024. Larry Kellner, président du conseil d'administration, a également indiqué qu'il ne se représenterait pas, et Steve Mollenkopf a été choisi pour le remplacer. Parallèlement, Stan Deal, président et directeur général de Boeing Commercial Airplanes, a quitté l'entreprise, avec Stephanie Pope prenant la direction de la division avec effet immédiat.
En novembre 2024, Boeing a annoncé la suppression de 17 000 emplois, ce qui soit environ 10% de ses effectifs mondiaux. Cette décision était motivée par des pertes financières significatives, notamment avec un troisième trimestre montrant des pertes de plus de 6 milliards de dollars. La grève des employés ayant paralysé deux usines cruciales à Seattle a également contribué à ces pertes, avec des retards dans la production des modèles 737, 777 et 767.
Pour faire face à ces défis, Boeing a également cherché à renforcer sa trésorerie. En octobre 2024, l'entreprise a annoncé des initiatives pour lever jusqu'à 35 milliards de dollars, incluant des nouvelles lignes de crédit et l'émission de divers types d'obligations. Cette stratégie était une réponse à la dégradation de sa situation financière, marquée par une dette qui s'est alourdie et des flux de trésorerie négatifs.
Boeing a également eu à remettre à la FAA un plan d'action pour remédier aux problèmes de non-conformité de sa production, particulièrement après un incident en vol sur un 737 MAX 9 d'Alaska Airlines en janvier 2024, où une « porte-bouchon » s'est détachée en plein vol. Ce plan visait à améliorer le contrôle qualité et à répondre aux exigences de sécurité.
L'évolution de la part de marché entre Boeing et Airbus dans le secteur de l'aviation commerciale est une histoire de concurrence, d'innovation technologique et de dynamique du marché et de résilience.
Si les défis sont nombreux pour Boeing, Airbus a sa part de problème même s'il ne sont pas à la même échelle. En effet Airbus rencontre de difficultés à répondre à la demande et gérer les problèmes de chaîne d'approvisionnement, mais semble avoir des perspectives plus stables avec sa gamme de produits et son innovation dans les technologies vertes.
Au-delà des idées reçues et du patriotisme économique n’oublions pas que pour les compagnies aériennes le choix entre Airbus et Boeing se résume souvent à des besoins opérationnels spécifiques, à la flotte existante, à la rentabilité des dessertes et à des partenariats stratégiques à long terme.
Christophe Chouleur / Gate7
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