Paris le 17 juin 2022 - “ Au lieu de faire de l’aviation un bouc émissaire de la dégradation du climat, faisons émerger une filière aérienne dynamique et soutenable qui satisfasse le besoin universel des humains de voyager et de nouer des relations avec leurs semblables.” Brice Lalonde, président d’Equilibre des Energies.
Le secteur aérien tient une place essentielle dans les échanges commerciaux et le dynamisme économique de la France et de l’Union européenne. C’est aussi un vivier d’innovation et d’emplois en Europe ; environ 6 millions de personnes travaillent directement ou indirectement dans ce secteur.
Mais le transport aérien suscite des inquiétudes quant à son impact sur le climat, en particulier au regard de la croissance qu’il a connue au cours de ces dernières années, et la question se pose de savoir si, et comment, l’aviation peut être intégrée à la société décarbonée que les responsables politiques européens s’attachent à promouvoir. « Dans ce contexte, nous avons rencontré de hauts responsables politiques, des personnalités du monde industriel et des experts reconnus qui, chacun dans leur domaine, ont décrit ce qui peut être fait pour réduire le bilan CO2 de l’aviation. La synthèse de ces entretiens nous a conduit à lister dix catégories de mesures qui, si elles sont mises en œuvre sans tarder, permettront d’atteindre l’objectif de décarbonation à horizon 2050. », explique Jean-Pierre Hauet, Chief Scientist d’Equilibre des Energies.
Parmi ces mesures, le développement des carburants d’aviation durables (les SAF) occupe une place centrale et Equilibre des Energies se félicite que, grâce à l’action menée sous l’égide de la Présidence française, le règlement ReFuelEU soit en bonne voie d’aboutissement.
Mais en parallèle, des progrès techniques restent possibles sur l’efficacité des moteurs et la performance des avions, sans oublier les perspectives offertes par l’avion à hydrogène. Sur le plan organisationnel, des améliorations sont possibles quant à l’efficacité de la gestion du trafic aérien.
Un plan pluriannuel devrait être établi au niveau européen, prenant acte de l’objectif de décarbonation à horizon 2050 et tenant compte les difficultés spécifiques auxquelles est confronté le secteur aérien. Si la décarbonation est possible, elle est difficile et ne pourra pas se faire au même rythme que celle d’autres secteurs où les solutions techniques sont d’ores et déjà disponibles. Il faudra par ailleurs mobiliser des moyens financiers importants pour soutenir cette progression. Mettre en place les conditions qui permettront à son secteur aérien de rester le leader mondial devrait être l’un des grands objectifs de l’Europe.
Les 10 catégories de mesures recensées par Équilibre des Énergies
1. Accroître l’efficacité de la gestion du trafic aérien et des services de navigation aérienne
En 2019, l’Union européenne a lancé une nouvelle étape du Ciel unique européen (paquet Single European Sky 2+). Cette initiative est actuellement en débat entre les différentes institutions européennes. Certains obstacles politiques subsistent mais d’autres ont pu être levés, à la faveur notamment du Brexit. Il est à présent important de faire progresser les discussions dans le cadre du trilogue afin de parvenir dès que possible à un accord.
2. Encourager le renouvellement des flottes
Afin d’encourager les compagnies aériennes à renouveler leurs flottes, Équilibre des Énergies recommande d’intégrer le renouvellement parmi les activités durables définies par le règlement de la taxonomie verte et de conditionner le versement des aides publiques aux compagnies aériennes à des engagements sur le renouvellement de leurs appareils.
3. Flécher une partie des taxes appliquées au secteur aérien vers les efforts de décarbonation de la filière
Les taxes aériennes représentent aujourd’hui plus de 40 % du prix des billets mais les sommes collectées ne sont pas fléchées vers la décarbonation du secteur. La question du fléchage n’est pas non plus abordée dans le cadre des projets européens visant à taxer le kérosène et à mettre fin aux quotas ETS gratuits dont bénéficiait le secteur. Équilibre des Énergies recommande d’inclure dans les projets européens en discussion des dispositions assurant le fléchage d’une partie des taxes appliquées au secteur aérien, y compris les revenus qui résulteront de la mise aux enchères des quotas aujourd’hui gratuits de l’EU-ETS, vers les efforts de décarbonation de la filière et en particulier le développement de nouvelles techniques.
4. Mettre en place des quotas d’incorporation de carburants durables mais en préservant la compétitivité des compagnies aériennes européennes
Équilibre des Énergies estime qu’un quota d’incorporation contraignant est nécessaire pour inciter les compagnies aériennes à migrer aussi rapidement que possible vers les carburants durables pour l’aviation (SAF). Elle soutient à ce titre le principe du mécanisme proposé par la Commission européenne au travers du règlement ReFuelEU. Cependant, ce mécanisme doit être rendu compatible avec la préservation de la compétitivité du secteur aérien européen.
À cette fin :
les pouvoirs publics français et européens doivent continuer à soutenir auprès de l’OACI les revendications visant à harmoniser la définition des SAF et à aligner les exigences résultant du système international du CORSIA avec celles imposées dans l’espace européen ;
la réglementation européenne devrait assortir les obligations d’incorporation de SAF d’un système de certificats (book & claim) de façon à traiter sur un pied d’égalité les compagnies européennes et les compagnies internationales qui pourront se ravitailler dans des hubs situés en dehors de l’espace européen.
5. Élargir la liste des matières premières autorisées pour la production des SAF
Équilibre des Énergies soutient le principe d’élargir progressivement l’obligation d’incorporation de SAF. Cependant, le volume de production des SAF doit évoluer en conséquence et celui-ci est conditionné par l’accès aux matières premières nécessaires. Équilibre des Énergies recommande d’élargir dans les textes européens (règlement ReFuelEU et directive RED) la liste des matières premières autorisées pour la production des SAF, notamment aux graisses animales de catégorie 3 dont l’utilisation est actuellement réservée à la production de cosmétiques et de carburants terrestres.
6. Élargir la définition des e-fuels
Les carburants synthétiques pour l’aviation (e-fuels) ne seraient, selon la proposition de la Commission dans le projet de règlement ReFuelEU, reconnus comme SAF que si leur contenu énergétique provient de sources renouvelables autres que la biomasse. Ceci impose l’utilisation d’électricité d’origine renouvelable. Équilibre des Énergies estime que l’électricité bas carbone doit pouvoir être prise en compte dans la définition des e-fuels afin qu’elle puisse contribuer à la décarbonation du secteur aérien, en augmentant les ressources en SAF disponibles.
7. Prioriser le secteur aérien dans l’utilisation des biocarburants
Le secteur aérien est plus difficile à décarboner que d’autres secteurs où d’autres technologies de transition sont disponibles (mobilités électrique ou hydrogène). Sa décarbonation sera largement dépendante de l’utilisation des SAF qui doivent pouvoir être rendus disponibles en quantités suffisantes. Équilibre des Énergies recommande en conséquence de flécher, dans les politiques publiques, l’utilisation prioritaire des SAF au profit du secteur aérien. Au niveau européen, elle recommande d’adapter les coefficients multiplicateurs et seuils de consommation maximale présents dans la directive RED afin de marquer cette priorité.
8. Promouvoir les partenariats publics-privés pour soutenir le travail d’adaptation des aéroports
Les aéroports jouent un rôle clé dans le déploiement de l’aviation durable en mettant notamment en place les infrastructures nécessaires au développement des carburants alternatifs. Les aéroports français sont en avance par rapport aux réglementations en vigueur et anticipent par leurs propres moyens les besoins futurs des compagnies aériennes. Équilibre des Énergies recommande d’accompagner les aéroports dans le déploiement de l’aviation durable, notamment par la mise en place de systèmes de soutien tels que des partenariats publics-privés.
9. Soutenir la création d’un label reconnaissant les compagnies aériennes responsables sur le plan de l’environnement
L’EASA (European Union Aviation Safety Agency) a proposé en 2019 de créer un label environnemental volontaire (Airline label) permettant aux passagers d’être informés et de reconnaître les efforts déployés par les compagnies aériennes dans le domaine environnemental. Équilibre des Énergies appelle à soutenir cette initiative et à la faire aboutir dès que possible, en prenant en compte, parmi les critères d’attribution du label, les efforts faits par les compagnies pour réduire leurs émissions et en particulier les émissions de CO2. Équilibre des Énergies appelle également à étudier les mesures, telles que des réductions de taxes d’aéroport ou de redevances de survol, qui pourraient permettre de reconnaître l’effort fait par les compagnies pour respecter les conditions d’octroi du label.
10. Accélérer les études sur les effets non CO2
Il est admis que le recours accru aux SAF aura un effet bénéfique sur les effets non CO2. Ils contiennent moins de composés aromatiques et donc génèrent moins de suies qui sont des précurseurs de la formation des traînées de condensation. Cependant, les effets non CO2 sont des phénomènes complexes qui sont encore mal connus. Des études additionnelles sont nécessaires afin d’être en mesure d’élaborer des stratégies d’adaptation des trajectoires de vol et éviter les zones propices à la formation des traînées, sans allonger excessivement les trajets. Équilibre des Énergies recommande de les mener à la fois au niveau français et au niveau européen, afin de mieux connaître les mécanismes de formation des traînées ainsi que les autres effets non CO2 qui peuvent s’y ajouter.
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