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Peut-on encore prendre l'avion ?

Paris le 6 octobre


Dans le tour d’horizon que fait Gate7 sur la réduction de l’empreinte écologique nous avons abordé de nombreux angles dont celui de l’avion du futur, de l’éco pilotage, de la proposition d’un mécanisme de prix plancher, des engagements des compagnies aériennes françaises. Convaincus qu’Il n’y a pas de débat sans contradiction et pour être complet et juste il nous fallait entendre la voix de ceux qui plaident pour une limitation du trafic aérien.

Charles Adrien Louis co-fondateur du cabinet BL évolution et auteur de l’étude « Peut-on encore prendre l’avion » prend position pour une réduction des vols et du nombre de passagers et nous explique pourquoi.



Gate7 : Qu’est ce que BL évolution et pourquoi cette étude ?

BL évolution est un cabinet de conseil en transition écologique crée il y a 10 ans qui accompagne les entreprises et les collectivités locales dans la diminution de leur empreinte écologique. Nous employons une vingtaine de consultants.

Nous avons réalisé cette étude dans le cadre des publications grand public que nous rédigeons régulièrement afin d’alimenter le dialogue et la réflexion autour de sujets stratégiques et dans l’optique de favoriser les bonnes pratiques.

Nous avions réalisé une étude en 2019 intitulée « Comment s’aligner avec une trajectoire compatible avec les -1,5 ° » qui était généraliste et dans laquelle l’aérien était abordé comme d’autre secteurs.

Nous avons reçu beaucoup de retours critiques concernant le volet concernant l’aérien et nous sommes rendu compte que c’était un sujet très clivant. Notre démarche étant fondée sur les chiffres et des données concrètes nous avons décidé de lancer cette étude dédiée au transport aérien pour évaluer son impact réel et élaborer des réponses.

Gate7 : Contrairement au consensus établi, vous estimez l’empreinte carbone du secteur en France à 7,3 % du total des émissions. Comment arrivez-vous à un tel résultat qui j’avoue nous surprend ?


Charles Adrien LOUIS co fondateur du cabinet BL évolutions

chiffres très variés circulent aujourd’hui sur ce sujet, nous démontrons dans notre étude que la part de l’aérien peut être évaluée entre 1,5 à 16 % selon le périmètre choisi.

Les 3 % que vous évoquez sont justes mais ne prennent en compte que la partie relative au kérosène. Aujourd’hui de nombreuses études évaluent la part du kérosène à 40 % des émissions de CO2 le reste étant provoqué par les trainées et autres sources d’émissions selon de nombreuses études scientifiques. Cette partie n’est pas la plus facile à identifier et dépend de nombreux facteurs dont l’altitude et le météo et chaque vol est différent. Nous ne cherchons pas à stigmatiser le transport aérien mais notre approche est simple : si on identifie pas la totalité des sources d’émissions on ne se met pas en position de régler le problème.

Gate7 : Ne pensez-vous pas que le secteur aérien est devenu un bouc émissaire facile qui permet d’éviter les sujets qui fâchent tels que l’automobile, les impacts d’internet, l’industrie de l’habillement ?

Pour travailler avec de nombreux secteurs chacun à aujourd’hui l’impression d’être le bouc émissaire. Les agriculteurs ont exactement le même sentiment aujourd’hui ainsi que les constructeurs automobiles par exemple. Pour l’aérien le fait que cela soit assez récent mais aussi l’impact de la COVID-19 sur le secteur contribuent certainement à cette perception.

Il est vrai cependant que d’autres secteurs tels que l’habillement qui ont été exposés avant le sont moins aujourd’hui alors qu’ils contribuent de manière importante à l’émission de CO2. L’avion est peut-être plus exposé aussi car 70 % des français n’ont pas voyagé en avion l’année dernière et ce mode de transport peut être perçu comme réservé à une minorité.

Gate7 : Quelles sont vos pistes pour réduire l’empreinte carbone de l’aérien sans mettre en danger les impacts économiques positifs pour les régions le pays et le besoins connectivité et d’autres part les milliers d’emplois directs et indirecte en France alors que le secteur est à genoux suite au COVID-19 ?

Il n’y a pas de grandes mesures mais une série de mesures qu’il faut prendre. La somme de ces efforts contribuera au résultat final. L’arrivée de nouvelles technologies est louable et utile mais arrivera trop tard, de même les agros carburants posent d’autres problématiques. On ne peut donc pas compter que sur ces révolutions technologiques. Le secteur aérien s’est saisi trop tard pour que cela suffise.

Il est clair pour nous que non seulement le transport aérien ne peut plus continuer à se développer mais qu’il faut limiter le nombre de passagers et de vols si on veut atteindre les objectifs fixés sur le plan climatique.

Gate7 : C’est radical !

C’est pourtant, de notre point de vue,indispensable. Tout l’objet de notre étude est justement de voir jusqu’où les progrès technologiques ou les changements en réflexion peuvent décarboner l’aviation et nous avons constaté que ce n’était pas suffisant, même en faisant « au mieux ». Il est donc nécessaire d’agir sur la réduction du nombre de vols.. Le taux de remplissage c’est grandement amélioré ces dernières années et même si de nombreux avions volent encore avec des taux de remplissage faibles, ce qui peut en partie s’expliquer car le transport aérien est une activité cyclique en Europe l’activité étant plus réduite en hiver, il ne reste plus temps de marge que ça.

Nous préconisons également et cela ne concerna pas que l’aérien, la surpression des publicités de tous les secteurs carbonés. Pourquoi créer de la demande sur des activités qui participent à l’effet de serre.

Gate7 : Pensez-vous que de taxes puisent changer quoi que ce soit au problème ?

La taxe sur le kérosène est une piste mais n’aura d’effet que si elle s’applique à l’échelle européenne faute de quoi son impact sera limité et cela créerait une distorsion de concurrence entre les différents pays. Une taxe sur les émissions nous paraît être une bonne piste car elle s’appliquerait à tous les transporteurs qui veulent voler en Europe.

Gate 7 : Le SNPL a proposé de mettre en place un mécanisme de prix plancher du billet d’avion pour tenir compte de l’impact environnemental et sociétal

Toutes les pistes qui conduisent à une réduction des émissions doivent être envisagées. Ces prix plancher sont intéressant s’ils permettent de limiter le nombre de vols qui ne sont pas nécessaires. Prenons un exemple aujourd’hui les compagnies transportent des passagers d’un bout à l’autre de l’Europe pour un tarif très bas. Est-ce vraiment nécessaire d’aller fêter son enterrement de vie de garçon à l’autre bout de l’Europe avec tous les impacts que cela à ? Il y a forcément d’autres moyen de le faire et tous les vols ne sont pas essentiels. Gate7 : Vous introduisez une notion de vols utiles et non utiles, ne va pas on trop loin qui va décider de ce qui est nécessaire ou pas ? N’atteint pas on à la liberté de chacun ?

Il faut une fois de plus savoir quel est l’objectif que l’on doit atteindre et s’en donner les moyens. Bien entendu les besoins de chacun sont différents en fonction des professions et des situations personnelles. On pourrait imaginer un système de quotas mais comme pour tout il y a des failles et on pourrait craindre que les plus fortunés s’en sortent en achetant par exemple les quotas des autres. Néanmoins, cela me paraît être une bonne mesure dans un premier temps. L’introduction des vols utiles et non utiles n’est pas vraiment de mon fait. Quant on parle de réduire le nombre de vols, beaucoup de gens me rétorquent que certains vols doivent être maintenu, du fait de la situation personnelle de certains, les familles éclatées, les expatriés… ou professionnelles. Il faut donc être cohérent, citer ces cas comme rendant indispensable l’aviation est aussi une manière d’affirmer que d’autres vols ne sont pas indispensables.

Gate 7 : Le secteur aérien représente plusieurs centaines de milliers d’emplois qu’ils soient directs ou indirects et les mesures de réduction que vous préconisez auront un impact sur de nombreux emplois. Comment prenez vus en compte cette dimension


Je distingue les emplois du service de transport et les emplois industriels. De mon point de vue, une grande partie des emplois du service de transport aérien sont reconvertibles vers d’autres services, notamment de transport et cela ne m’inquiète pas trop. Je sais que ce message est dur à porter, mais une transformation radicale de notre économie, pour faire face à l’urgence climatique, nécessite forcément de repenser une partie significative des emplois.

En revanche, je m’inquiète plus pour les emplois industriels, et particulièrement toute la chaîne de sous-traitant implantés dans nos territoires, qui sont une véritable richesse. Maintenir un tissu industriel dans nos territoires me semble important et la transformation de celui-ci n’est pas évidente. Cela nécessite d’être planifié et accompagné. En voyant ce que prévois le plan de relance, je constate qu’on n’envisage pas du tout la transformation de ces emplois alors que le choc qu’on subit actuellement me semble le meilleur moment pour planifier cette transformation.

Si nous attendons 5 ou 10 ans, que la situation climatique se détériore encore, nous n’aurons plus les moyens ni le temps d’organiser cette transformation et les conséquences sociales seront catastrophiques.

Je suis donc convaincu que planifier la décarbonation du secteur aérien, ce qui passe par une réduction du nombre de vols, est indispensable au maintien de l’emploi dans notre tissu industriel local, et ce à long terme. Gate7 : Voilà encore un sujet sur lequel nous sommes fortement en désaccord. Je crois que vous minimisez les emplois directs et indirects ainsi que la contribution du secteur à l’économie mais je prends note de votre point de vue.

Gate7 : Vous êtes assez sévères sur le Terminal 4 tel qu’il était proposé pour ADP. Pourquoi ?

Le Terminal 4, dans une logique de diminution des vols et du nombre de passagers, n’a pas lieu d’être et représente un investissement couteux et inutile. Il n’y a pas de besoin de capacités supplémentaires dès lors que nous prenons au sérieux nos engagements climatiques. Bien entendu la logique doit être la même pour tous les hubs, ne pas développer CDG n’a de sens que si les mêmes limitations s‘appliquent à Londres, Frankfort ou Amsterdam.

Gate7 : En conclusion pouvons-nous encore prendre l’avion ?

Il ne s’agit pas de faire disparaître l’avion mais de diminuer le nombre de vols et de passagers. Cela relève en partie de la responsabilité individuelle ou chacun doit re questionner la nécessité des voyages qu’il entreprend et supprimer les déplacements en avion superflus.


interview réalisée par Christophe Chouleur

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