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Interview de Thomas Juin, Président de l’Union des Aéroports Français et Francophones Associés.


Paris le 21 juin 2022 - Alors que la saison d’été débute en force, Gate7 a rencontré Thomas Juin Président de l’Union des Aéroports Français pour faire le point sur la situation des aéroports face à la reprise.


Thomas Juin Président de l'UAF&FA Gate7
Thomas Juin Président de l'UAF&FA

Gate7 : Pouvez-vous nous présenter l’Union des Aéroports Français et Francophones Associés ?

Thomas Juin : L’UAF&FA est un syndicat professionnel qui représente tous les aéroports français quelle que soient leur taille et leur spécialité. Il porte leurs préoccupations auprès des pouvoirs publics et joue un rôle d’animation du réseau afin de partager les réflexions et expériences entre aéroports. Il propose également une assistance à ses adhérents grâce à une équipe d’experts basée à Paris.

Il regroupe également des aéroports francophones très variés tels que Genève Montréal, Casablanca ou encore Abidjan afin de réaliser des partages de bonnes pratiques et des benchmarks

Gate7 : Comment se passe la reprise ?

Thomas Juin : Nous constatons globalement une réelle reprise depuis le printemps 2022. C’estla première fois depuis l’été 2019 que nous bénéficions d’une saison printemps/été complète car les restrictions ont été levées. Les destinations domestiques, européennes et méditerranéennes sont de nouveau toutes accessibles. La reprise est encore plus forte sur les plateformes ou la clientèle loisirs et les low-costs sont très présentes. L’aéroport de Beauvais, par exemple, est déjà au-dessus de son niveau d’avant crise. La demande est très forte sur la clientèle loisirs et affinitaire.

Nous avons en revanche de réelles inquiétudes sur la rentrée de septembre où ces clientèles sont traditionnellement moins présentes. De plus la situation en Ukraine et ses impacts, l’évolution du télétravail, la hausse inévitable du prix des billets d’avion, l’inflation et les inquiétudes sur le pouvoir d’achat des consommateurs sont autant de facteurs qui pourraient pénaliser le secteur.

C’est pourquoi à ce stade l’UAF maintient ses prévisions d’un trafic compris entre 70 et 80 % de celui de 2019 avec des variations suivant les aéroports.




Gate7 : De nombreux aéroports, partout en Europe, connaissent des difficultés liées à l’affluence des passagers et au manque de personnel. Cette situation vous inquiète-t-elle pour les mois de juillet-aout ?

Thomas Juin: Il y a deux aspects. Tout d’abord celui des effectifs de l’exploitation aéroportuaire. Les métiers d’agent de sureté et d’assistance en escale sont en sous effectifs. Il manque entre 15 et 20 % des effectifs et la situation est tendue. Cela contribue à une dégradation de l’expérience passagers avec des rallongements des délais d’attente les jours de grand départ. Le week-end de l’ascension très chargé a été une journée test et nous avons constaté un allongement des délais de 20 à 30 minutes. Ce n’est, bien sûr, pas satisfaisant mais nous sommes loin du chaos que d’autres aéroports européens ont connu et qui a entraîné l’annulation de nombreux vols. C’est principalement dû au dispositif de l’activité partielle adoptée en France lors de la crise de la COVID-19 qui a permis de conserver plus de personnel compétent que par exemple au Royaume Uni où les licenciements ont été nombreux en raison de la pandémie.

Revenir à un nombre suffisant de salariés prend du temps. Il faut tenir compte, par exemple pour la sûreté aéroportuaire, des délais de formation et ceux de l’obtention des agréments entre le recrutement du salarié et sa prise de fonction.

Les aéroports ont des difficultés aujourd’hui à recruter en raison notamment des spécificités de notre secteur (horaires décalés, ouverture le week-end et les jours fériés, les temps de trajets domicile travail...). Nous engageons actuellement des réflexions pour améliorer l’attractivité des métiers aéroportuaires.. Je reste confiant dans la durée sur la capacité des aéroports à absorber le trafic sans arriver à des situations de blocage.

Le deuxième aspect est celui de la Police aux frontières. Une partie des effectifs a été redéployée vers d’autres missions durant la crise de la COVID-19 et n’est pas revenue ce qui crée des goulots d’étranglement aux frontières. C’est un sujet sur lequel nous avons de nombreux échanges avec le ministère de l’intérieur. Nous devons également anticiper la mise en place d’ici à quelques mois du dispositif européen EES qui vise à renforcer les contrôles aux frontières extérieures de l’Europe pour les ressortissants des pays-tiers et qui va se traduire par des contrôles plus longs. Cela pourrait être par conséquent compliqué sur nos plateformes en l’absence d’effectifs supplémentaires de gardes-frontières. L’EES concerne tout le trafic hors Europe, y compris les passagers en provenance du Royaume Uni.



Terminal 2 aéroport de Nice

Gate 7 : Quels sont les grands défis auxquels les aéroports doivent faire face ?

Thomas Juin : Les deux principaux défis sont ceux de la qualité de service et du développement durable. La qualité de service, l’expérience passagers, et les temps d’attente doivent être améliorés. La France va accueillir les Jeux Olympiques en 2024 et des millions de visiteurs supplémentaires sont attendus et cela constitue un vrai défi. Les aéroports français ont pratiquement tous intégré la démarche ACA - Airport Carbon Accreditation – et se sont engagés à réduire de façon volontaire leurs émissions de CO2 afin d’attendre une neutralité carbone compensée en 2030 et une situation « net carbone » en 2050.

Bien entendu c’est tout l’écosystème du transport aérien qui est concerné et la problématique des émissions de CO2 ne concerne pas que les activités au sol des aéroports qui ne représentent qu’une faible part de l’ensemble. Il est important que tous les acteurs du transport aérien aient des ambitions et des priorités fortes en matière de décarbonation. Aujourd’hui le principal levier de décarbonation est l’utilisation de SAF (carburant durable) avec, pour respecter les accords de Paris, la nécessité d’arriver à un taux d’utilisation de SAF de 10 % en 2030 dans les réservoirs des avions. La volonté des acteurs du secteur est là mais le risque, pour le transport aérien, est de ne pouvoir se procurer dans un proche avenir des SAF en quantité suffisante.

Les véritables ruptures technologiques (motorisations hybride, électrique ou à hydrogène)concerneront d’abord l’aviation régionale et les avions de petite capacité. Les nouvelles mobilités hybrides ou électriques permettront le développement de la mobilité aérienne sur la courte distance et ouvrent des perspectives pour les petites plateformes.

Ce ne sont pas les seuls défis pour les aéroports français. L’augmentation des prix de l’énergie et son impact sur le prix des billets, en est un autre, redoutable, si l’on veut que le transport aérien reste accessible au plus grand nombre.




La compétitivité entre aéroports européens est également un sujet important si l’on ne veut pas voir les compagnies aériennes, notamment low-cost, se détourner du marché français et ouvrir des liaisons sur des aéroports étrangers moins chers. Cela suppose à l’avenir de veiller tout particulièrement à ce que la fiscalité française pesant sur le transport aérien ne soit pas en décalage par rapport à celle de nos voisins (Espagne, Italie, Portugal) L’UAF sera très attentive également à ce que les recettes des taxes touchant l’aérien puissent bien servir au financement de la décarbonation du secteur et ne soient pas utilisées pour financer d’autres secteurs.


propose recueillis par Christophe Chouleur pour Gate 7

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